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Bénin: le tango à trois entre Patrice Talon, Boni Yayi et Joël Aïvo

Par
Benoît Mètonou
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Benoît Mètonou est journaliste et chroniqueur politique
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Entre les « enfants du Talonisme » et « les héritiers du Yayisme », en vérité il n’y a que le professeur Joël Aïvo. C’est désormais une bataille à trois (3) qui se déroule sous nos yeux depuis l’irruption de l’universitaire dans l’arène politique béninoise. Voici dans l’ordre, tous les faits qui étayent cette évidence politique.

Il y a quelques semaines, le journal « Olofofo« ’’ » a réalisé un dossier sur « les nouveaux visages de la politique béninoise ». À moins de trois ans de la fin présumée du mandat du président Talon, il est effectivement méritoire de la part des médias de chercher à éclairer leurs lecteurs sur les forces politiques en présence. Il est vrai, depuis l’arrivée au pouvoir de Patrice Talon, tout a changé sur l’échiquier politique béninois. Les partis politiques, les acteurs clés ainsi que les positions d’influence ont bougé, disparu ou ont été repositionnés. Du sol au plafond, tout a changé et c’est le mérite d’un journal de proposer une analyse fouillée des forces actives qui commandent la politique au Bénin et qui, à coup sûr, détermineront l’issue des échéances à venir, et par-dessus tout, le sort des Béninois pour l’avenir.

Les nouveaux visages proposés par nos confrères sont discutables. Il y a en effet plusieurs aspects de l’analyse des forces en présence qui ne correspondent pas vraiment à la réalité actuelle du paysage politique béninois. Pour n’importe quel observateur attentif de la vie politique actuelle du Bénin, trois principales forces politiques se disputent le pouvoir suprême. D’un côté Patrice Talon, de l’autre, Boni Yayi et au milieu des deux Joël Aïvo. Il n’y en a pas d’autres de cette envergure. Je veux dire un autre qui ne soit déjà aligné derrière Talon ou Yayi Boni. Il n’y en a pas. Sinon à la limite Sébastien Ajavon. Or ce dernier a abandonné le combat et livré son parti l‘USL à la ruine depuis qu’il a été forcé de partir en exil.

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En revanche, contre vents et marrées, malgré les risques, une dynamique politique portée par le professeur Joël Aïvo a émergé à l’occasion de la présidentielle de 2021, précisément à un moment où il paraissait presque suicidaire de s’opposer au président Patrice Talon. La troupe du constitutionnaliste qui a été ébranlée par l’arrestation de son leader, essuie la foudre du régime de la rupture mais résiste sur le terrain. En quelques années, cette dynamique d’opposition et indépendante des deux chefs d’Etat s’est fait sa place sur l’échiquier politique.

Depuis 2019 que le président Talon a parachevé ses réformes politiques, il ne reste maintenant que trois boxeurs sur le ring : lui-même Patrice Talon, son principal « ennemi intime » Boni Yayi et Joël Aïvo. Chacun avec son écurie, ses combattants et ses soutiens. Les deux premiers ne peuvent plus officiellement prétendre à diriger le pays, mais se contentent de s’affronter par partis et par lieutenants interposés. Le troisième, le plus jeune de ce trio, n’a pas exercé, comme Yayi et Talon, la fonction présidentielle. Joël Aïvo n’a pas non plus les moyens et les réseaux qui font la force de ses deux ainés. Néanmoins, il est bien en ce moment le seul leader politique indépendant des deux chefs d’Etat et qui trace son chemin.

À la différence de tous les dirigeants politiques de sa génération, le professeur de droit constitutionnel cherche à construire son propre chemin vers le pouvoir, par ses propres idées et son propre projet. C’est la raison pour laquelle il serait difficile de nier qu’à part Yayi et ses héritiers, à part Talon et ses lieutenants, la seule alternative politique immédiate pour le pays est portée par la génération autour du professeur Aïvo. La question n’est pas de savoir s’il a les mêmes moyens que les deux chefs d’Etat. Ce qui importe ici est de constater que l’homme du « dialogue itinérant » a, par son audace, su se démarquer de l’affrontement Talon-Yayi pour proposer un projet politique différent. Un autre projet politique que l’affrontement électrique entre Talon et Yayi.

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L’emprise de Talon est incontestable

Il est un fait que Patrice Talon est là, présent sur l’échiquier politique. Il ne peut en être autrement lorsqu’on a dirigé un pays pendant dix ans et laissé un bilan, quel qu’il soit. Au bout de 10 ans d’exercice d’un pouvoir controversé, Patrice Talon a bon en mal réussi à reformater complètement le logiciel politique hérité des 20 ans de pouvoir Kérékou-Yayi. Exit les partis traditionnels et leurs leaders. Exit, tous ces « opérateurs politiques » grands comme petits, qui ont fait et défait toutes les alliances politiques au Bénin depuis 1990.

Le mérite du Président Talon est d’avoir non seulement atomisé cette classe politique mais surtout de l’avoir reconstituée totalement à sa botte. Désormais, le seul patron de la majorité présidentielle, c’est Patrice Talon. Sous son mandat, le Président Talon a réalisé ce que Nicéphore Soglo, Boni Yayi et Mathieu Kérékou, ont refusé de faire : neutraliser les marchands de soutiens et réduire à néant tous ces sous-traitants véreux.

Le Patron c’est désormais lui. Fini, la période où les hommes politiques allaient pêcher le poisson au nom du Président de la République et revenaient le lui revendre très cher.

Ensuite, Patrice Talon a détruit tous ces partis de marchandage et de chantage. Le PSD, c’est fini, le MADEP, terminé, l’Union fait la Nation, le PRD ainsi que la ribambelle de micro-partis qui vivaient de marchandages, de corruption et de prébendes. Pour couronner sa révolution, Patrice Talon renvoie dans l’ombre, tous ces hommes implantés tels des baobabs sur la scène politiques depuis 1990. Les plus jeunes chefs, maîtres chanteurs pompeusement nommés jeunes turcs, fous du roi etc., sont également enterrés sans fleurs ni couronnes.

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Voilà comment Patrice Talon a fait son « nouveau départ » et s’est imposé comme le seul maître à bord de son camp. Tous les autres sont désormais rangés derrière lui, pas à coté, mais bien derrière lui. C’est pour cette raison que plusieurs parmi les dirigeants politiques actuels doivent être considérés comme les protégés de Patrice Talon. Au mieux, on pourrait dire que ce sont les « partisans » du système Talon. Pour beaucoup, ils sont sans équation personnelle et sans surface politique d’envergure. Patrice Talon est leur chef. C’est le cas, malgré leur ancienneté, d’Adrien Houngbédji, Bruno Amoussou, Idji Kolawolé, Mathurin Nago, Lazare Sèhouéto, Abdoulaye Bio Tchané, Abraham Zinzindohoué, François Abiola, Valentin Houdé qui ont tous rejoint docilement Patrice Talon. C’est encore plus le cas des plus jeunes comme Romuald Wadagni, Orden Alladatin, Samou Adambi, Olivier Boko, Charles Toko, Malick Gomina, Johannes Dagnon, Joseph Djogbénou, Jacques Ayadji, Gérard Gbénonchi, Jean-Michel Abimbola, ou Augustin Ahouanvoébla. Aucun parmi eux ne peut prétendre à un destin national sans être porté par Patrice Talon. D’ailleurs que vaudraient-ils aujourd’hui dans une véritable élection nationale sans la « protection » de Patrice Talon ? Pas grand-chose !.

Si on est bien d’accord que le Président Talon a réussi à mettre tous les hommes politiques qui soutiennent son action, à l’intérieur de l’UP-R et du BR, alors il est plus aisé de comprendre que dans le camp du Président Talon, c’est lui le patron. Si on considère aussi qu’il n’y a aucune personnalité d’envergure nationale, aujourd’hui suffisamment crédible pour exister par elle-même, en dehors des moyens de Talon, alors on comprend que le chef, c’est bien Patrice Talon. Si on considère qu’aucun des jeunes loups qui défendent Patrice Talon à l’Assemblée et dans les médias n’est en mesure de porter une ambition présidentielle sur ses seules épaules, alors, on comprend qu’Olivier Boko, Romuald Wadagni, Johannes Dagnon, Joseph Djogbénou, Abdoulaye Bio Tchané (déjà forclos pour candidater), Samou Adambi, Alassane Séibou, sont les enfants de Talon et vivent au dépens de son génie.

Ce qui fait le « Talonisme » est amer pour les Béninois. L’héritage du « Talonisme » est un mélange de sérieux, d’application, de rigueur et d’efficacité dans la gestion de l’Etat. Malheureusement, pour les héritiers de Talon, le « Talonisme », c’est surtout l’opacité, la violence politique et l’injustice. C’est, hélas, l’héritage que Patrice Talon laissera à la postérité. Un goût amer de réformateur audacieux et de fossoyeur résolu et assumé de la démocratie.

Le « Talonisme » c’est la dislocation de la cohésion nationale, l’appauvrissement de la classe moyenne et l’accentuation de la pauvreté chez les plus vulnérables, la confiscation des secteurs vitaux de l’économie, le détricotage de la démocratie. Au bout de cette présidence, ce que les Béninois attendent, c’est que Patrice Talon finisse son second mandat et s’en aille avec toute sa troupe. Si des ambitions présidentielles persistent dans leur camp, c’est parce que ces héritiers espèrent que Patrice Talon les fasse gagner comme il en a le secret. C’est à dire, sans traçabilité, ni vu ni connu.

Pour l’avenir, celui qui gagnera la bataille des héritiers de Patrice Talon devra faire avec un tel héritage. L’heureux élu qui va dominer les autres ou que Talon imposera à ses héritiers au dernier moment devra faire la politique avec la gestion, les méthodes voire avec les dégâts de Patrice Talon. Ce ne sera pas une mince affaire.

Yayi Boni résiste, c’est indéniable

La fureur politique de Patrice Talon n’a pas emporté l’héritage politique de Boni Yayi. Au contraire ! Face aux réformes politiques destinées à l’encercler et à le priver de son parti, les FCBE, Boni Yayi a tenu bon. Aidés par un réseau politique essentiellement composé de quelques anciens collaborateurs, l’ancien chef d’Etat a réussi à éviter son effacement de la vie politique. Patrice Talon connaît son prédécesseur et ancien complice. L’homme de Tchaourou est rusé et sait endormir ses adversaires avant de les mordre tel un cobra. Lorsque tous les hommes politiques de sa génération ont choisi de faire allégeance à Patrice Talon, Boni Yayi mène l’opposition seul. Pour défendre la démocratie béninoise, ses vieux adversaires, ceux qui l’ont combattu pendant 10 ans, Sébastien Ajavon, Adrien Houngbédji, Bruno Amoussou, Séfou Fagbohoun, Idji Kolawolé, Lazare Sèhouéto ont laissé Boni Yayi seul face à la machine à broyer de Patrice Talon. C’est avec la famille Soglo et quelques rares personnalités que Boni Yayi a pris le risque de faire face à Talon.

En 2019, Boni Yayi décide d’incarner l’opposition malgré les menaces qui pèsent sur son camp. On ne cessera jamais de le dire. Ce qui fait l’essence de l’opposition de Yayi à Talon et vice versa, c’est la trahison originelle de la réélection de Boni Yayi en 2011. Ce péché capital explique leur antagonisme et motive leur confrontation par tous les moyens, par toutes les voix et par personnes interposées. Le courage politique dont Boni Yayi a fait preuve face à la fureur de Patrice Talon prend sa source dans l’inimitié tenace de l’un pour l’autre. Le moteur de la bataille qui oppose Yayistes et Talonistes, c’est l’instinct de vengeance, l’envie d’en découdre et d’en finir avec l’autre. La détermination de Boni Yayi et de tous ses héritiers d’affronter Patrice Talon et ses enfants se nourrit donc de la défaite que l’un estime que l’autre lui a infligée et du désir de revanche qui est permanent chez les Yayistes. Talon et Yayi, c’est la guerre permanente.

Le piège de cette guerre permanente, c’est qu’elle agace les élites et obstrue toutes perspectives de reconstruction d’une classe politique apte au combat d’idées et de projets. Des opposants cherchent une autre voie que la seule finalité d’affronter Talon au nom de Yayi ou de cogner Yayi pour le compte de Talon. Il est évident que Talon contre Yayi, Yayi contre Talon n’est pas un projet politique. La vengeance ou la revanche coûte que coûte ne peut non plus tenir lieu de programme d’actions. C’est pourquoi des Béninois, pourtant opposés à Talon, ne souhaitent pas retomber dans les travers du « Boniyayisme », cette conception laxiste, festive et presque débonnaire du pouvoir. Le Boniyayisme, c’est la gestion hasardeuse, improvisée des ressources de l’État, le morcellement de l’autorité de l’Etat dans les mains de la clientèle politique. Le « Boniyayisme », c’est l’art de faire la politique, de commune en commune, de meeting en meeting avec du bruit et sans grand résultat.

Les « héritiers du Yayisme » n’ont rien fait pour remettre au goût du jour la pagaille, l’improvisation et l’absence de vision que les Béninois associent aux deux mandats de Boni Yayi. Depuis la défaite de leur camp en 2016, les héritiers de Boni Yayi n’ont fait que revendiquer l’héritage de leur mentor. De 2016 à 2023, ils n’ont cherché qu’à monnayer la popularité de Yayi, à profiter de la nostalgie de son mandat et à récupérer les retombées en termes de postes politiques, ce qui reste du Yayisme dans le pays. Aucun d’entre les anciens ministres, anciens députés, aucun des dirigeants du parti « Les démocrates » n’a eu la liberté d’esprit et le courage de faire l’inventaire de la présidence populiste et peu rigoureuse de Boni Yayi. C’est le tort d’Eric Houndété, de Komi Koutché, de Réckya Madougou, de Nouréinou Atchadé, de tous les héritiers du Yayisme. Depuis 2016, aucune d’entre ces personnalités du parti Les Démocrates n’a eu le courage de faire l’inventaire du « Boniyayisme », de secouer le cocotier ou carrément de sortir du parapluie de Boni Yayi. Au contraire, en dehors de Valentin Agossou Djènontin qui tente de prendre ses distances, les héritiers de Boni Yayi ont voulu être « les bons petits » de Yayi Boni, les protégés, les enfants légitimes, sans se demander si le « Boniyayisme » est encore à la mode en 2023. C’est ce qui a piégé les héritiers qui sont hélas demeurés aux yeux des Béninois, des majeurs sous tutelle incapables de prendre leur destin politique en main sans Boni Yayi.

En attendant que ses héritiers ne prennent leur destin en main, c’est bien Boni Yayi qui mène la danse dans son camp. D’ailleurs, que vaudrait le parti Les démocrates, sans Yayi ? Pas grand-chose. Au mieux, ce parti finirait en petits morceaux aux mains de chacun de ses héritiers. Au pire, Les Démocrates auront le même destin que FCBE devenu une coquille vide une fois que Boni Yayi aura ramassé ses fidèles. C’est malheureux de le dire, Boni Yayi, c’est l’avenir du parti Les Démocrates. Sans lui, il ne reste plus grand chose. Mais avec lui, c’est le brouillard pour ses héritiers. Or, Boni Yayi ne peut plus être candidat et aucun de ses héritiers ne peut gagner une élection même législative sans le nom et la photo de Boni Yayi. C’est là, tout le dilemme des héritiers du « Boniyayisme ».

Le défi le plus urgent pour Eric Houndété, Komi Koutché, Réckya Madougou, Nouréinou Atchadé et tous les autres héritiers du Yayisme est aujourd’hui de se départir de ce que fut en réalité la gestion de Boni Yayi à la tête de l’Etat. Ce serait tout simplement de gommer cette impression d’improvisation, de désordre, de laxisme, de laisser-aller et de laisser-faire qui a mis l’Etat béninois en lambeaux au cours des deux mandats de leur président d’honneur. Car rappelons-le, c’est le ras-le-bol pour cette façon de gouverner qui a poussé les Béninois dans les bras de Patrice Talon. Pour fédérer les mécontents de la politique de Talon, mais qui ne veulent pas non plus le retour des méthodes Yayi au pouvoir, les héritiers du Yayisme auront à résoudre une équation à deux inconnues : (1) « évincer » leur président d’honneur, tout en conservant son fan club et (2) se trouver un nouveau leader, un vrai, capable de rassembler la troupe et d’inspirer confiance aux Béninois. Celui-ci devra démontrer qu’il n’est pas le « bon petit » de Yayi, le bras armé du Yayisme au service de sa soif de vengeance contre Talon.

Voilà pour ce qui est du Yayisme et de ses « héritiers ».

Joël Aïvo, incontestablement le 3e homme

Contrairement aux hommes de sa génération, Joël Aïvo semble avoir refusé de faire le combat de personne. Tout indique que le combat qu’il a choisi et pour lequel lui et ses compagnons d’aventure payent le prix fort, est celui des idées, des projets. Il est le seul à avoir pris son destin politique en main, sans se chercher un parrain et sans s’abriter derrière un président d’honneur. C’est à la fois un atout et un handicap mais cette démarche a le mérite d’être courageux.

La question qui se pose est celle-ci : entre Boni Yayi et Patrice Talon y a-t-il un autre homme ? Une autre force politique structurée et indépendante des deux chefs d’Etat ? Certains ont tenté d’expliquer que des forces en attente ou réseaux dormants sont interposés entre Yayi et Talon. L’intérêt de cette question est d’identifier des forces actives mais indépendantes sur lesquelles il peut être possible de bâtir le futur politique du Bénin. A vrai dire, Jacques Ayadji que l’on a tenté de vendre aux Béninois comme une force indépendante est plutôt une création de la rupture. Le président de MOELE-Bénin ne s’en cache pas lui-même. Il est membre de la mouvance présidentielle et ses orientations politiques lui sont fixées par le président Talon. Mieux encore, le financement des activités politiques de Jacques Ayadji vient directement du pouvoir. La cagnotte qui finance l’UP-R, le BR est la même qui alimente MOELE-Bénin et son président. Quels que soient ses mérites et les résultats qu’il a obtenus lors des élections législatives de janvier 2023, Jacques Ayadji et son parti n’échappent pas à la poigne du président Talon.

Boni Yayi a rangé derrière lui, au sein de son parti, tous ses anciens collaborateurs qu’il lui reste. Quant à Patrice Talon, il a soumis toute la classe politique à sa discipline au sein de l’UP-R et du BR. Dès lors, le positionnement de Joël Aïvo sur cet échiquier politique confisqué par Talon et Yayi est considéré comme un acte de courage et un véritable exploit. Car, le constitutionnaliste a dû construire son capital politique seul et gagner chaque mètre carré des fiefs qui lui sont aujourd’hui favorables, en partant de rien. Ce n’est pas le cas des personnalités de sa génération qui eux, ont pu compter sur l’aura, les moyens et les réseaux soit de Yayi Boni soit de Patrice Talon. C’est à la force du courage, sans parrain, sans président d’honneur et tout ceci dans un environnement hostile que Joël Aïvo a acquis ses galons politiques.

La génération Aïvo est celle des citoyens qui ont bravé la peur et combattu pour défendre la démocratie. Cette génération, on voit ses militants se déployer dans tout le pays pour défendre leur leader. Elle ne doit rien au hasard ni à personne. A la différence des camps Talon et Yayi, la dynamique Aïvo n’a derrière elle aucun ancien chef d’Etat. Elle ne s’abrite sous aucune personnalité de grande envergure comme Patrice Talon et Boni Yayi. La machine politique que les compagnons du Professeur ont fabriquée en quelques années ne se nourrit ni de la crédibilité, ni de la popularité d’aucun des vétérans ou dinosaures de la vie politique béninoise.

C’est sur la base de ces considérations qu’il faut prendre la génération Aïvo pour ce qu’elle est. C’est-à-dire, une force forgée avec le courage de ses membres, loin des privilèges et facilités du pouvoir, sans le parapluie d’un parrain ni le piston d’un président d’honneur. Seulement à la différence des autres forces politiques, la génération Aïvo n’est pas organisée au sein d’un parti politique. Elle a certes un visage désormais connu : Joël Aïvo, mais cette force politique disséminée à travers tout le pays, n’est pas incarnée dans un parti politique formel comme le sont les autres courants qui se combattent. Yayi était incarné dans les FCBE. Aujourd’hui c’est dans « Les Démocrates ». Quant à Patrice Talon, c’est l’UP-R et le BR.

Quel est l’avenir de la dynamique politique qui porte Joël Aïvo ? Cette génération est-elle capable de survivre à la température politique actuelle et de s’implanter dans le nouveau paysage partisan du Bénin ? Là est tout le défi. Sans parrain et sans président d’honneur, Joël Aïvo parviendra-t-il à durer et surtout à perturber le face-à-face des héritiers de Yayi et de Talon ? C’est à l’universitaire de démontrer que son émergence n’est pas un phénomène électoral de saison ! À cet égard, le premier défi qui s’impose à cette nouvelle génération, c’est le défi de la structuration. Il est clair que pour durer, le constitutionnaliste doit capitaliser la forte sympathie et la crédibilité dont il jouit auprès des Béninois. Il lui faut un appareil, un parti. Le souhaite-t-il ? En a-t-il l’envie, les moyens ? Car, être une force politique libre et indépendant de Yayi et de Talon, c’est bien, mais se structurer et s’implanter durablement, c’est encore mieux.

Une fois sorti de prison, que fera Joël Aïvo ? Créera-t-il un parti pour mobiliser l’électorat autour de sa vision et pour capitaliser l’avance politique qu’il a prise sur sa génération ? Il paraît évident que la position du 3ème homme qui est indéniablement celle de Joël Aïvo sera décisive pour les échéances électorales à venir et pour l’avenir. De sa position d’arbitre, interposé entre Yayi et Talon, l’homme du « dialogue itinérant » peut provoquer trois mouvements politiques décisifs. D’abord, il peut mettre fin à la rivalité Yayi-Talon s’il l’emporte dans les urnes contre les héritiers des deux camps.

Ensuite, par un jeu d’alliance avec l’un ou l’autre des deux camps adverses, Joël Aïvo peut aider à désactiver pour longtemps un camp et à le défaire. Enfin, au lieu des deux précédentes options, Joël Aïvo et son appareil politique pourraient aussi choisir d’intégrer directement un des deux blocs en devenant membres et en prenant des responsabilités de premier plan au sein d’un parti. Cette dernière option doit être désirée et redoutée à la fois par les deux camps, car elle sera d’un grand renfort pour le parti qui obtiendra l’adhésion du constitutionnaliste et de ses militants. Mais elle pourrait aussi s’avérer risquée pour lui-même s’il ne s’assure pas d’avoir effectivement les moyens de reconvertir totalement le camp en question à ses idées et à sa façon de concevoir la politique.

Ce sont là les enjeux politiques de la libération du Professeur Joël Aïvo qui est encore dans les geôles du pouvoir de la rupture.

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