Dans la commune d’Abomey-Calavi, reconnue pour sa triste célébrité en conflits domaniaux, plusieurs personnes se sont retrouvées à la rue ce mercredi 23 août 2023. Une journée cauchemardesque pour les habitants, installés depuis près de 30 ans pour la plupart dans le quartier Tankpè Agori, également connu sous le nom de « Zone Pharaon », communément appelé « Parana ».
« C’est une décision de justice », a lancé un officier de police présent sur les lieux lorsque nous avons cherché à connaître la raison de la destruction des maisons. Sans entrer dans les détails, il a laissé notre équipe de reportage constater les dégâts alors que le bulldozer continuait à broyer tout sur son passage.
Meubles, ustensiles de cuisine, appareils électroménagers, documents personnels, objets de valeur… Ce sont les images que nous offre ce quartier après le passage destructeur de la pelle sur chenilles. L’huissier de justice nous a interdit de filmer cette scène avec une violence verbale inouïe, sous le regard de la Police Républicaine.
Des locataires et propriétaires surpris par la démolition
Les victimes affirment avoir été surprises par l’irruption de l’équipe de démolition. Contraints à un déménagement inattendu vers une destination inconnue pour la plupart, propriétaires et locataires ne savent plus à quel saint se vouer. Des cris perçants, des pleurs intenses, des gémissements silencieux, chacun y va de son moyen pour exprimer sa colère sous le mandat hautement social de Patrice Talon.
Lucie Kakpo, pratiquement au soir de sa vie, a assisté à la destruction totale de sa maison. Une habitation érigée depuis 26 ans. « Ça fait 26 ans que j’ai intégré les lieux. On était là quand ils sont venus nous dire qu’on doit racheter le terrain. C’est à partir de ce jour qu’on s’est engagés dans un long processus au cours duquel nos interlocuteurs nous prenaient de petits sous« , a-t-elle déclaré.
Alors qu’on était en pleine négociation, ils sont venus démolir nos maisons, sans aucun avertissement préalable. Avec mon âge et mon état, que vais-je devenir sans ma demeure que j’ai tant souffert pour construire ?
Lucie Kakpo
Selon le Dr Augustin Kossi Ahoga, président de l’Association de développement de Tankpè, il s’agit d’un litige qui dure depuis plus de 30 ans. Le dossier avait été porté devant les autorités judiciaires, avec en parallèle une procédure de négociation. Dans la foulée, l’un des protagonistes, qui n’avait pas de parcelle au départ, a obtenu plusieurs hectares en son nom. En effet, l’arrêt N°120/20 du 11 août 2020 a attribué une bonne part du domaine en conflit à la famille Bankolé.
L’Association des acquéreurs a insisté pour avoir une délimitation claire du domaine attribué à la famille Bankolé afin de faciliter les discussions entre la famille et les occupants, mais ce travail technique n’a pas été fait, selon le Dr Augustin Kossi Ahoga. Les négociations ont quand même continué et le 28 août prochain, une séance est même en vue avec les autorités de l’Agence Nationale du Domaine et du Foncier (ANDF).
C’est donc à la surprise générale que l’équipe, conduite par un huissier, a procédé au casse ce mercredi 23 août 2023.