Les scénarii qui se jouent autour du transit du brut nigérien via le pipeline Niger-Bénin de la station initiale d’Agadem à la station terminale de Sèmè-Podji interpellent à bien des égards.
La posture sans concession de Niamey, cache-t-elle des raisons inavouées et/ou inavouables autour du bras de fer diplomatique avec Cotonou sur les démarches administratives et collaboratives sur l’exportation du brut nigérien, ou bien c’est Cotonou qui est dans un abus délibéré de blocus ?
Bien que Cotonou ait déjà fait le deuil de la volonté des autorités nigériennes de maintenir leur frontière fermée avec le Bénin, Niamey reste illisible, sur un tel dossier dont la sensibilité n’est plus à démontrer. Puisqu’il s’agit de gros enjeux économiques et même géostratégiques.
En effet, les rebondissements dans le dossier du brut entre le Bénin et le Niger ne laissent indifférent. Chaque épisode avec son lot de déballages, converge de plus en plus vers une direction.
Que cache l’option du tac au tac dans ce dossier ?
La première réplique du premier ministre Nigérien, Ali Lamine Zeine, suite à l’interdiction du premier chargement en mai dernier du brut nigérien avant que le Bénin ne lève son véto a été que le Bénin n’avait qu’à discuter avec la société chinoise West African Oil Pipeline Company (WAPCO), filiale de la China National Petroleum Corporation (CNPC), en charge de l’exploitation pétrolière puisqu’elle en est propriétaire. Cotonou reprochait alors à Niamey de ne pas l’avoir saisi officiellement de la tenue de cette opération. Toutefois, à la demande du Bénin, une rencontre tripartite entre le Niger, le Bénin et la société chinoise WAPCO va être tenue à Niamey.
Le ministre des mines du Bénin prenant part à cette rencontre n’a pas été reçu par le général Abdourahamane Tchiani, président du Niger pour lui transmettre la lettre de son homologue Béninois Patrice Talon.
Jeudi 30 mai, suite à son retour à Cotonou, dans une sortie médiatique le président Béninois Patrice Talon est revenu sur ses attentes de la partie nigérienne au sujet des formalités de transit du brut en raison de la fermeture de la frontière terrestre du Niger. De la requête faite par la partie béninoise auprès des officiels nigériens en charge du secteur à Niamey, lors de la rencontre tripartite, il est évoqué que ces derniers attendraient instructions des responsables du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CSNP) au pouvoir.
Alors à qui incombe la responsabilité du blocus ?
Au lendemain de cette sortie du président Béninois pour évoquer ses attentes en vue du transit du brut nigérien, le premier ministre Nigérien en réplique n’a pas manqué de souligner que le président Béninois n’a pas fait cas lors de sa sortie médiatique de ce que des nigériens devant prendre part aux opérations entrant dans le cadre de l’export du brut au Bénin ont été éconduits. Soutenant que les Nigériens devraient être où se charge leur pétrole. Attente assez logique peut-on s’en convaincre. Mais qu’est-ce qui a pu justifier cela ? Les dispositions officielles ont-elles été respectées ? La réponse pourrait permettre de savoir de quoi cela relève.
Le premier ministre Nigérien justifie également que l’émissaire Béninois n’a pas été reçu en raison de l’indisponibilité du président nigérien qui prenait part à une réunion du conseil de sécurité au sujet d’une attaque meurtrière des terroristes sur la base militaire de Boni ce jour-là. Des terroristes qui soutient-il sont venus du Bénin. Le premier ministre Nigérien n’est pas sans connaissance des principes diplomatiques en avançant ses allégations après celles d’accusations du Bénin d’abriter des bases militaires françaises pour attaquer le Niger. Une campagne médiatique amplement menée via divers canaux et soutiens d’activistes adoubant les nouvelles autorités. Faisant du Bénin le chou gras du programme politique des nouvelles autorités nigériennes alors que les populations attendent du concret après un putsch qui date du 26 juillet 2023.
Cependant, dans le cadre du pipeline Niger-Bénin, des questions subsistent. Les usages administratifs opérationnels en vue de la cogestion de la station terminale et de la plateforme d’exportation sont-ils respectés par la partie nigérienne ? Si oui, lesquels et si non, pourquoi ? Alors où se situe le véritable problème ?
Il est à observer que si des interrogations demeurent dans ce dossier, c’est à l’évidence du fait que la partie nigérienne s’emploie à des répliques au lieu de poser sur la table ce qui se fait ou qui est fait pour la mise en Å“uvre de ce projet en toute intelligentsia entre les deux pays, conformément aux accords entre les parties.
Pourquoi cette escalade conduisant à la fermeture du pipeline ?
Jeudi 6 juin, l’opinion a été alertée de l’interpellation de 5 Nigériens se réclamant de WAPCO-Niger, dans la soirée du mercredi dernier, sur la station terminale située au Bénin, qui s’y sont introduits dans des conditions qui font l’objet d’une enquête diligentée par la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) du pays.
La veille de l’interpellation le 3 juin dernier, le ministre des Mines du Bénin a confirmé à l’administrateur général de WAPCO-Bénin, le respect des engagements contractuels du Bénin avec consigne de contrôle sécuritaire à l’entrée du terminal pour des mesures sécuritaires. Des déclarations du procureur spécial de la CRIET, deux des personnes interpellées sont des agents Nigériens au service du CNSP, qui se seraient fait confectionner de faux badges de WAPCO-Niger. Évoquant des investigations en cours pour déterminer les motivations réelles de ces personnes dans un contexte où des informations récurrentes font État de la planification d’atteinte à la sécurité du Bénin.
Du côté de Niamey, la réplique s’est faite vive, et menaçante. Vendredi 7 juin, Niamey a passé à exécution sa menace en fermant l’approvisionnement du pipeline.
La tournure que prend ce dossier d’une certaine sensibilité avec des difficultés de communications sur des questions d’ordre administratif, de transparence et de coopération entre les deux Etats, interpelle et mérite qu’on s’y attarder avec peu de passion, mais surtout beaucoup de lucidité.
Et si le jeu autour du pipeline Niger-Bénin se jouait ailleurs ?
Quand on connaît l’appétit de certaines puissances qui appuient les juntes au pouvoir aux ressources naturelles de leur territoire, le bras de fer Niger-Bénin autours du pipeline serait-il orchestré dans une volonté manifeste de trouver un bouc émissaire sur des partenariats existant avant l’avènement des nouvelles autorités ?
Sinon, en retour, que gage le Niger à ses principaux alliés dans la guerre contre le terrorisme, un des éléments avancés pour légitimer nombre de putschs dans la sous-région, principalement au Sahel, où prennent quartier des partenaires dont on connaît le modus operandi ?
L’attitude de Niamey sur le volet pourtant administratif de coopération sur l’exportation du brut retient l’attention. Pour preuve, les hostilités ont été annoncées juste au lendemain du putsch dès la position officielle du Bénin pour un retour à l’ordre constitutionnel affichée. Une situation qui a pourtant évoluée après que le pays ait pris acte, après observation.
Pékin devrait avoir des raisons de s’inquiéter ?
Il y a comme une volonté de défiance des nouvelles autorités du Niger vis à vis des autorités du Bénin. Une attitude peut être légitime, mais peu diplomatique, mieux entre pays voisins. Quels que soient les griefs, en affaires il s’agit d’accords et les autres raisons ne viennent généralement qu’en second plan. Au pire passer à un arbitrage. Les nouvelles orientations d’un pays ne sont pas de natures à être forcément partagées par des pays voisins ou tiers, avant de pouvoir faire affaires avec eux, à moins d’avoir d’autres visées. Puisque la beauté du vivre ensemble réside dans la diversité, même si on aspire à l’unité.
Malgré le conflit russo-ukrainien, la Russie et des pays d’Europe ont des relations d’affaires, même si elles ne sont plus celles des grands jours.
Pour les avertis de la géopolitique, la Chine devrait sonder les réelles intentions et points d’accord de ses clauses avec les parties et évaluer la sincérité des autorités nigériennes sur le cours de l’évolution de ce projet dans sa mise en Å“uvre dans sa forme actuelle.
Les enjeux autour des soutiens à la junte peuvent trouver tout leur sens dans ce qui se joue en sourdine autour du pipeline Niger-Bénin. Bien que la Chine ait versé en avril dernier une avance de 400 millions de dollars au Niger pour la commercialisation du pétrole, elle devra commencer par se préoccuper de savoir si le brut nigérien n’est pas l’objet de convoitise d’autres puissances, ou s’agit-il d’une opération pour faire la surenchère ?
Les trouble-fêtes qui s’observent entre tergiversations et blocus de dispositions officielles administratives et de personnel déployé de façon unilatérale sur le site terminal situé au Bénin par le Niger restent évocateurs. Même en temps de bonnes relations diplomatiques, de tels opérations se font suivant des protocoles requis en la matière. A plus forte raison dans un contexte comme celui actuel entre les deux pays.
Pis, une station pétrolière, ou une infrastructure de ce type fait appel à des mesures de précaution. Sur ce volet, il est nécessaire que les deux Etats, à supposer qu’ils refusent de se parler, respectent tout au moins les termes des accords et les procédures qui les lient en la matière afin d’éviter une congestion inutile de l’opinion. A moins d’avoir des intentions inavouées. Puisque, «l’aveugle qui menace de vous jeter une pierre l’a déjà sous son pied», et «le margouillat qui veut se coudre un pantalon, sait par ou passer sa queue».
Le benin s’agite pour rien dans cette affaire.
Mais vous n’allez rien comprendre de ce qui va se passer