Hormis le retour des coups d’Etat militaires et institutionnels, un phénomène couve en Afrique de l’Ouest. Depuis la présidentielle de mars dernier au Sénégal, c’est une nouvelle ère qui s’ouvre sur toute une région, voir un continent. Un »Yes we can » d’une frange de la jeunesse qui pendant longtemps a été et continue d’être considérée sous bien d’horizons juste comme une échelle.
Depuis lors, l’Afrique de l’Ouest et au-delà, vibrent au rythme de Dakar. Et c’est à juste titre que nombre de chefs d’État de la sous-région et acteurs politiques d’autres horizons s’offrent le luxe de recevoir les nouvelles autorités du pays avec des vivats, ou d’aller à leur rencontre.
Que revêt tout cet enthousiasme, ces ballets et visites ?
Les images communicatives projetées à profusion en compagnie des ‘’coqueluches » du moment, tel avec des rock-stars par de potentiels candidats à un énième mandat et autres en quête de popularité ou d’influence géostratégique, ne sont pas anodines.
Même si dans la logique diplomatique, les voyages officiels de prise de contact avant les grandes rencontres entre chefs d’Etat ou nouvelles autorités sont dans les usages pour relancer les liens de coopération, l’avènement d’un nouveau chef d’Etat démocratiquement élu fait l’objet d’une attention particulière sous les tropiques. Mais le cas Faye-Sonko reste porteur de nouveaux ferments.
L’alternance dans un contexte tumultueux, l’adhésion populaire et massive des jeunes dont la résultante est un KO dès le premier tour à 54,28% face au candidat du parti au pouvoir 35,79%, ainsi que la jeunesse des nouveaux dirigeants, dont la conviction et la vision de leur parti ont triomphé face à plusieurs obstacles, forcent l’admiration.
Un signal fort, pour tous ceux qui jusqu’ici, sur le dos de la jeunesse et d’une frange de la population, et en leurs noms prennent des actes qui à la vérité sont loin de subvenir aux attentes de ces dernières, obligées de se constituer clandestins dans des embarcations  d’infortune  pour aller sombrer en haute mer à la quête du mieux être. Pourtant prêt à travailler pour gagner dignement leur vie, mais guerre lasse dans leur propre pays.
Pourquoi le cas Diomaye Faye retient de plus en plus l’attention en Afrique de l’Ouest et au-delà ?
Depuis le Flagstaff House, Nana Akufo-Addo n’a pas manqué d’exprimer son enthousiasme face à la dynamique qui a cours depuis l’élection de Bassirou Diomaye Faye, lors de sa visite officielle au Ghana. «Â Vous êtes un exemple pour la jeunesse. Depuis que vous êtes élu, tous les jeunes au Ghana veulent devenir Président », a-t-il déclaré.Â
Fort de son leadership, sa cote panafricaine et démocratiquement élu avec des résultats qui ne souffrent d’aucune contestation lui conférant du crédit, le président du Nigeria et président en exercice de la CEDEAO, Bola Tinubu l’a à son tour exhorté à faire « revenir au bercail » le Niger, le Burkina Faso et le Mali, qui ont fait leurs valises pour l’Alliance des Etats du sahel AES.
L’élection de Bassirou Diomaye Faye et le discours tranché de son parti lui donnent des coudées franches pour être un interlocuteur valable, quoique le goût du pouvoir ait commencé par l’emporter sur les ambitions affichées des nouveaux maîtres du Sahel qui par des assises ou autres coups de théâtre tentent de s’éterniser au pouvoir sans pour autant apporter la solution tant attendue au peuple ; conjuguer au passé les maux qu’ils ont dénoncés en arrivant au pouvoir.
Cependant, doit-on avoir des craintes ou plutôt se réjouir de l’effet Faye-Sonko ?
Il y a une logique des pouvoirs autocratiques de mettre l’embargo sur ce genre de phénomènes pour ne pas susciter des envies. Surtout quand cela se joue à quelques kilomètres d’eux. Mieux, l’ère d’internet et des réseaux sociaux aidant, sauf cas de restriction, le monde est devenu un petit village planétaire et vibre instantanément aux mutations qui ont cours dans chaque coin du globe. L’attention et l’euphorie de par le continent et le monde témoignent de ce que, ce qui se passait au Sénégal se jouait comme chez eux pour beaucoup. Et à défaut, leur offre la perspective de pouvoir en faire autant, fort de ce que certaines contingences perçues comme non négligeables jusqu’ici, paraissent aujourd’hui surmontables, avec un peu de foi et d’abnégation. Toutefois, il n’est pas à occulter que depuis lors, restés aux aguets des pouvoirs mettent les balises pour endiguer toute velléité. Mais il est un fait qu’une nouvelle dynamique est en branle.
Que peut-on alors espérer dans ce contexte ?
Il y a une évidence aujourd’hui. La jeunesse d’Afrique de l’Ouest a commencé par croire en elle-même et se sentir de plus en plus capable de provoquer de profondes mutations. Même si les contextes ne sont pas toujours les mêmes, la dynamique Faye-Sonko a commencé par s’essaimer et n’a pas encore livré tous ses secrets : savoir que les luttes et quêtes du pouvoir ne doivent plus être l’apanage d’individu, ou une quête personnelle. Mais plutôt, être un catalyseur pour de grandes causes pour changer la donne. Et sans forcément être le roi, être peut être le faiseur de roi…
Si en sourdine dans l’opinion la dynamique force l’admiration, officiellement elle commence par être affirmée. En Côte d’Ivoire, Charles Blé Goudé, en marge de la course à la présidentielle de 2025, donne déjà le ton. Pour lui, il y a une image forte projetée depuis le Sénégal. L’homme sur qui plane une condamnation en Côte d’Ivoire au lendemain de la crise poste électorale de 2011, quoique acquitté par la Cour pénale internationale CPI ; soutient qu’en dépit de tout en 2025 il sera le Ousmane Sonko de la Côte d’Ivoire.
Un signal fort qui augure que des lignes semblent bouger, des lignes bougent, et des lignes vont bouger, même sur des territoires insoupçonnés perçus comme acquis par des autocrates des temps modernes qui font et défont les lois à leur bon vouloir, avec l’aide d’une poignée d’élus acquis à leur cause. Ce, sous le joug de la démocratie, comme tout autre régime. Tout change, et tout évolue. L’Afrique de l’Ouest est en pleine mutation, immanquablement sous effet domino.