Nous sommes dans le 16e mois de la guerre déclenchée par la Russie contre l’Ukraine, et la question qui se pose à ce stade est : en faveur de qui le temps joue-t-il ? Qui peut espérer gagner encore un peu plus et qui peut espérer que les choses iront mieux pour lui avec le temps ?
L’Ukraine attend les résultats de la contre-offensive qu’elle a lancée. L’objectif est ambitieux : récupérer tous les territoires perdus depuis le 24 février, mais aussi ceux perdus en 2014, comme la Crimée. L’Ukraine souhaite également que Poutine soit jugé et que la Russie rembourse les dommages causés par la guerre. Ces objectifs peuvent paraître tout à fait légitimes et justes, mais la question est de savoir s’ils sont réalisables.
L’Ukraine peut espérer compter sur un affaiblissement de la Russie, en raison de l’aide occidentale qui renforce l’Ukraine, tandis que la Russie ne reçoit comme aide militaire que celle de l’Iran et de la Corée du Nord, ce qui n’est pas grand-chose. La Chine n’aide pas la Russie, donc sur la durée, les capacités technologiques, militaires et financières sont plutôt du côté de l’Ukraine que de la Russie.
Cependant, l’Ukraine doit faire face aux aléas politiques, notamment aux États-Unis. Les Ukrainiens sont très conscients, tout comme les Russes, qu’un changement électoral aux États-Unis en novembre 2024, comme l’élection de Donald Trump, pourrait mettre fin à l’aide occidentale et américaine, ce qui serait une victoire pour la Russie.
La Russie pense que le temps peut jouer en sa faveur, car les Occidentaux pourraient se lasser de la solidarité avec l’Ukraine. Ils pourraient réaliser qu’il n’est pas possible de récupérer tous les territoires perdus, encore moins de juger Poutine ou de faire payer la Russie. Si le coût humain devient de plus en plus lourd pour l’Ukraine, la guerre pourrait s’arrêter.
Pour le moment, les Occidentaux n’ont jamais varié dans leur soutien plein et entier à l’Ukraine. Aucun pays n’a été autant aidé dans un conflit que l’Ukraine ne l’a été par les Occidentaux. Ils se sont trop engagés pour cesser leur soutien à l’Ukraine.
Cependant, un changement aux États-Unis pourrait déstabiliser tout le processus de l’OTAN en faveur de l’Ukraine. Si la contre-offensive ne réussit pas tout à fait, s’il y avait un changement de pouvoir aux États-Unis, il n’y aurait pas une paix. L’Ukraine ne peut pas accepter de voir ses territoires perdus. Il pourrait y avoir une sorte de cessez-le-feu en attendant que chacun refasse ses forces.
En fin de compte, sur le long terme, c’est peut-être la Chine qui sera la bénéficiaire du conflit, simplement parce qu’ellene participe pas. Elle n’aide pas financièrement la Russie. Au contraire, la Russie est tellement affaiblie que le rapport bilatéral entre Moscou et Pékin est encore plus à l’avantage de Pékin qu’il ne l’était auparavant. Alors que les États-Unis consacrent des moyens importants à l’Ukraine et que les Européens payent beaucoup plus cher leur énergie, la Chine avance dans son propre plan de paix.
La Chine a proposé un plan de paix qui a été refusé par les Occidentaux, mais pas par Zelensky, le président ukrainien. Dans le grand schéma de l’Ouest contre le reste, la Chine est en train d’avancer. En Afrique, par exemple, une délégation de chefs d’État africains est allée en Ukraine et en Russie. Le président ukrainien leur a dit que leur plan n’était pas acceptable parce qu’il admettait la conquête de territoire par la Russie.
Les pays du Sud, et notamment les pays africains, veulent une paix immédiate parce qu’ils estiment que la guerre leur coûte de plus en plus et qu’ils en payent les frais. Ils ne sont pas responsables de cette guerre, mais ils en subissent les conséquences. Ils ne veulent pas la justice pour l’Ukraine, ils veulent la paix parce qu’ils en seraient les bénéficiaires indirects.
La Chine mène une campagne de communication, certains diront de propagande, en disant qu’elle est pour la paix. Elle a proposé un plan, mais malheureusement, ce sont les États-Unis qui, en alimentant le conflit en livrant des armes à l’Ukraine, continuent d’alimenter ce conflit dont vous êtes les victimes. Cette communication de la part de la Chine peut commencer à payer.
Il est évident que le temps peut jouer de différentes manières et il serait préférable que ce conflit se termine le plus tôt possible. Mais pour l’instant, la solution militaire prévaut. Nous verrons, une fois que les armes auront parlé, quelle sera l’ampleur des reconquêtes ukrainiennes et à partir de quoi on pourra élaborer un cessez-le-feu ou d’autres solutions.