Un an après l’euphorie du putsch du 30 août 2023, mettant fin à 55 ans de règne des Bongo au Gabon, l’heure est au bilan et aux perspectives. Dans le pays, on s’interroge sur la capacité du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), à remettre en état les institutions de la République.
Au terme des élections contestées de 2023 qui avaient données pour vainqueur le président sortant Ali Bongo, physiquement diminué, et qui briguait un troisième mandat successif, après quatorze ans passés à la tête du pays ; le coup d’Etat conduit par Brice Clothaire Oligui Nguema a sonné comme une délivrance.
Une raison qui a sous-tendue la célébration faste de l’an un de cet épisode au Gabon, avec une journée fériée et des parades militaires sous le regard médusé du nouvel homme fort. Des affiches à la gloire des nouvelles autorités à Libreville et environs.
Dans un discours à la nation, tenu la veille, le président de la transition a justifié la décision « courageuse » de mettre fin à l’ancien régime et détaillé sa série d’initiatives pour une transformation rapide et durable.
Cependant, un an après l’installation du Comité de transition qui a promis de restaurer la stabilité et préparer une nouvelle ère démocratique; l’horizon qui se dessine au Gabon laisse perplexe.
Constitution sur mesure ?
L’Assemblée constituante chargée d’examiner la future Constitution à soumettre au référendum d’ici à la fin de l’année est convoquée pour une session qui durera du 12 au 22 septembre 2024. Le document qui a fuité quelques jours plus tôt sur les réseaux sociaux a suscité de vives réactions quant à son contenu.
Le projet prévoit pour le président un septennat renouvelable une fois, un régime présidentiel, avec la suppression du poste de Premier ministre au profit d’un vice-président du gouvernement.
Son contenu ne laisse pas indifférent sur ses relents. Notamment, les critères d’éligibilité à la présidence de la République qui disposent par exemple d’être de père et de mère gabonais, eux-mêmes nés gabonais, être âgé de 35 à 70 ans, avoir résidé au Gabon durant les trois années précédant l’élection…
Mauvais virage ?
Pour certains, la question de la restauration des institutions a été reléguée au second plan. L’activisme de Brice Clothaire Oligui Nguema pour susciter l’assentiment de ses concitoyens, reste un secret de polichinelle.
L’une des scènes qui a retenu l’attention de l’opinion tout récemment et suscité des commentaires est une vidéo dans laquelle, le président de la transition accompagnait deux de ses enfants pour la reprise des classes dans un établissement scolaire, d’un système pédagogique non-gabonais. Une opération de charme, qui a eu du mal à passer.
Au sein de l’opposition, des voix se lèvent au sujet du référendum prévu d’ici fin 2024. Le projet de constitution qui doit d’abord être évalué par le parlement, s’il est validé en l’état. En réponse, ces derniers entendent battre campagne pour le « non », au motif de ne pas pouvoir dire « oui » à une loi taillée sur mesure, qui augure d’une «Â dictature assurée et féroce».
Pendant ce temps, les soutiens des militaires au pouvoir sont mobilisés pour faire campagne en faveur du « oui », pour le projet.
Des signaux évidents de sortie de route ?
Venu en uniforme, à la suite de ce qui est présenté comme un «Coup de libération» et non «Coup d’État»,Brice Clothaire Oligui Nguema qui bénéficie d’un important capital sympathie est dans un processus de mue pour passer du soldat qu’il a été pendant des décennies au professionnel politique. Une posture qui fait le lit aux appétits du pouvoir comme on en a vu sous d’autres cieux.
Aussitôt au sommet de l’Etat, il s’est employé à désigner des personnalités politiques auparavant opposées au camp Bongo comme des membres de la société civile, pour les nommer à des postes à responsabilité, ainsi que des activistes qui étaient à l’étranger.
Aujourd’hui, d’aucun estiment qu’il n’y a plus personne qui incarne l’opposition au Gabon, les acteurs de poigne ayant rejoint le camp du CTRI. Quant à ceux qui ne sont pas d’accord avec la politique menée par les nouvelles autorités, leurs voix ne sont pas entendues.
Les mêmes causes produisant les mêmes effets ; rien ne garantit d’éviter une sortie de route des objectifs premier du putsch. Car, il y a des signes qui ne trompent pas.