Nous devons avoir conscience que désormais partout au monde, la liberté d’expression recule dangereusement. Même les démocraties qui en avaient fait le socle de leur modèle de société, déploient désormais des moyens considérables pour brider ce droit fondamental de la personne, et ne clignent même plus des yeux au moment de justifier leurs tours de vis. En commentant l’arrestation à l’aéroport du Bourget du franco-russe Pavel Durov, Emmanuel Macron a évoqué ironiquement « la protection des citoyens et de leurs libertés fondamentales ». Ce qu’il ne fallait pas entendre !
Le fondateur de la messagerie cryptée Telegram (900 millions d’utilisateurs) avait fui la Russie au lendemain de l’invasion de l’Ukraine. La photo de lui, poing fermé et doigt majeur levé avait été interprétée en France partout en occident comme la photo de la liberté et de la résistance au totalitarisme. Au nom de la liberté d’expression, Pavel Durov avait refusé de fournir au FSB les données personnels de certains utilisateurs ukrainiens et de certains dissidents russes.
Ironiquement, c’est pour des raisons similaires qu’il est en garde à vue depuis 3 jours en France, le berceau des droits de l’homme, le pays de Montesquieu.
Edward Snowden, ex-analyste de la NSA, est refugié à Moscou depuis une dizaine d’années après avoir révélé les méthodes crapuleuses de surveillance des États-Unis. Le cyber militant australien Julian Assange (fondateur de WikiLeaks) a passé les 13 dernières années de sa vie en captivité pour avoir dévoilé au monde les crimes commis par les États-Unis et leurs alliés en Irak et en Afghanistan.
Il y a quelques jours, le commissaire européen en charge du Marché Intérieur, Thierry Breton, adressait une lettre de menace à Elon Musk, nouveau propriétaire de X (ex-Twitter), après l’interview que ce dernier a faite à Donald Trump. L’humoriste français Guillaume Meurice a été viré de la Radio française pour s’être insurgé dans l’une de ses chroniques contre les massacres commis dans la bande de Gaza par l’armée du premier ministre israélien. Près de 15 ans avant lui, c’était un autre humoriste, Dieudonné Mbala Mbala, et le polémiste Alain Soral qui étaient bannis des médias et leurs casiers judiciaires chargés, alors que des tapis rouges se déroulaient devant Éric Zemmour, ou qu’un personnage comme Marc-André Fogiel prenait la tête de BFM, après avoir été condamné pour racisme.
Je n’ai pas encore parlé de la fermeture de médias gênants, des bannissements de comptes de dissidents intellectuels sur les réseaux sociaux, ni des procès baîllons contre des journalistes un peu trop indépendants, encore moins du durcissement des règles de maintien de l’ordre face aux manifestations dans certains pays européens. Je ne parle pas non plus du coup d’État qui est en cours en France depuis les résultats du second tour des élections législatives qui ont placé les forces de gauche en tête.
Alors pourquoi je vous parle de tout ça? Je vous en parle parce que ces coups de boutoirs isolés dans le monde sont autant de signaux négatifs pour les peuples africains en lutte contre leurs dictateurs. À cause de la compétition économique et stratégique de plus en plus féroce entre les puissants, le monde tel que nous l’avons connu et et qui nous a fait rêver est en agonie, les jours des principes auxquels l’humanité a crus et des droits que nous pensons avoir acquis, sont comptés.
Nous avons le choix entre nous en accommoder ou nous y opposer avec une énergie que les ennemis de nos libertés ne soupçonnent pas.