Bénin : pour la première fois, Patrice Talon apparaît affaibli par son duel avec Boni Yayi
En plus de neuf ans de pouvoir, Patrice Talon n’avait jamais affiché autant de fébrilité face à un adversaire politique. Lors de sa dernière intervention télévisée mardi soir, le chef de l’État est apparu touché, presque blessé, par son long bras de fer avec l’ancien président Boni Yayi. À travers un discours marqué par l’émotion et la justification, Talon rompt avec son image de dirigeant impassible et laisse entrevoir, pour la première fois, une forme d’usure. Une confession politique qui dit beaucoup du climat tendu qui entoure la présidentielle de 2026.
Boni Yayi et Patrice Talon
La sortie médiatique de Patrice Talon le 4 novembre 2025 a surpris plus d’un observateur. Au lendemain de l’annonce de l’exclusion des Démocrates – le principal parti d’opposition dirigé par l’ancien président Boni Yayi – de l’élection présidentielle d’avril 2026, Talon est apparu très loquace, presque émotif. Il a reconnu que cette « querelle personnelle, prolongée depuis plusieurs années, a fini par peser sur la stabilité du pays ». D’ordinaire froid et réservé, le chef de l’État s’est montré « touché » par cette rivalité. Il a fustigé Yayi en public et lamenté que « notre relation nuit au Bénin ».
Cette vive joute verbale s’inscrit dans un climat tendu car depuis octobre 2025, Yayi accuse Talon de mener une « politique d’exclusion systématique de l’opposition » et de vouloir « en finir avec l’opposition » (Talon « ne veut plus d’opposition »). Ces accusations ont pris de l’ampleur après que la Commission électorale (CENA) a rejeté la candidature du duo du parti Les Démocrates (à un parrain près) pour le scrutin de 2026. Dans une vidéo diffusée fin octobre, Yayi a dénoncé un « plan de déstabilisation » visant son parti et la dissolution de la démocratie béninoise. Face à ces attaques, Talon a choisi de prendre la parole à son tour.
Un entretien télévisé au ton inhabituel
L’interview de Talon sur la télévision nationale a pris la forme d’un long réquisitoire contre son prédécesseur. Le président Talon, sans la moindre retenue, a détaillé devant les caméras les griefs qu’il porte contre Yayi – des propos d’habitude réservés à son cercle privé. Il s’est d’abord montré las de cette « guéguerre » qui « empoisonne le climat social et politique » du pays. Appelant son « ami, mon grand frère » Boni Yayi, il a affirmé que leur conflit « est en train de pourrir l’environnement politique au Bénin, même l’environnement social, en train de pourrir la paix et la concorde » Dans un registre plus solennel, il a confié espérer qu’après leur départ de la vie politique, les deux hommes puissent se retrouver « dans un conseil de sages » afin de réconcilier les Béninois. Ces formules surprennent par leur tonalité personnelle et presque résignée, contrastant avec la réputation de leader intransigeant de Talon.