Silencieux depuis la remise en cause de l’ordre constitutionnel au Niger, l’ancien président béninois, Boni Yayi, a finalement brisé l’omerta et a fait des propositions pour une sortie de crise.
À l’instar de plusieurs voix qui se sont levées pour s’opposer à l’intervention militaire de la CEDEAO au Niger, l’ancien chef d’État Boni Yayi condamne le coup d’État au Niger mais plaide pour une solution diplomatique négociée.
« En ma qualité d’ancien président du Bénin et de l’Union africaine, j’ai été, en son temps, sollicité dans la résolution de plusieurs foyers de tension et de crises électorales en Côte d’Ivoire (2010), au Mali (2012), en Sierra Leone (2012), au Ghana (2012), en République centrafricaine (2012), au Burkina Faso (2014), au Burundi (2015) et plus récemment en Guinée (2022). »
C’est pourquoi, en toute modestie mais avec la plus grande fermeté, je condamne le coup d’État militaire perpétré au Niger et demande la libération du Président Bazoum, ainsi que la préservation de son intégrité physique et celle de sa famille. À mon tour, j’en appelle aussi au dialogue et à une solution diplomatique négociée. Le dialogue et la diplomatie doivent primer sur l’option guerrière, a laissé entendre l’ancien chef d’État.
Dans sa publication, il a fait remarquer que « l’opinion publique africaine continue de se demander avec inquiétude pourquoi notre institution régionale n’a pas cru devoir saisir les Nations Unies, notamment son Conseil de sécurité, comme à l’accoutumée, ou tout au moins tenir compte de l’avis du Conseil de paix et sécurité de l’UA qui, sur la base de sa détermination à faire taire les armes en Afrique à l’horizon 2030, demande à la Commission de l’UA, avant toute intervention militaire, d’entreprendre une évaluation des implications économiques, sociales et sécuritaires sur les populations et de lui en faire rapport. »
Pour l’ancien chef d’État, il est évident qu’une telle intervention donnerait lieu à l’affrontement entre nos États, nos peuples, entraînant la fragilisation de nos économies et finalement la dislocation de la CEDEAO. « Nous devrions absolument éviter cela afin de préserver la mémoire des Pères fondateurs de la CEDEAO », a publié Boni Yayi.
Selon lui, il est grand temps de rendre réelle la volonté des pères fondateurs de l’OUA, notamment du Président Kwame Nkrumah, dont le rêve a été la réalisation de l’unité de l’Afrique : « Africa Must Unite ».
« En outre, je constate avec beaucoup d’amertume et de stupéfaction que ces appels sont demeurés lettre morte et une espèce d’épée de Damoclès reste suspendue sur les paisibles et vaillantes populations du Niger. Les frontières demeurent fermées, contraignant le peuple frère du Niger et d’autres peuples du monde à une famine de plus en plus certaine et probablement à des réfugiés », a déploré Boni Yayi.
Il rappelle à la mémoire des responsables africains à tous les niveaux, et singulièrement les Chefs d’État de la CEDEAO, que c’est en 1885, à la Conférence de Berlin, que l’Afrique a été partagée. Et ce fut dans une résistance farouche que l’Europe colonisatrice est arrivée à bout de nos héros Almamy Samory Touré, Bio Guerra, Kaba et Behanzin, imposant ainsi les frontières actuelles.
« Je souhaite, pour des raisons humanitaires, avec toute la solennité requise, l’ouverture de toutes les frontières fermées aujourd’hui, ainsi que la levée des sanctions économiques, monétaires et financières qui ciblent directement nos peuples fragilisés et innocents dans cette affaire. Par ailleurs, je m’associe au Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union Africaine pour lancer un appel vibrant à tous les acteurs, afin qu’ils évitent toute sorte d’ingérence extérieure », a martelé Boni Yayi.
Il invite les uns et les autres à semer l’évangile de la paix, et non celui de la guerre. « Chacun doit éviter de transformer le Niger et notre sous-région en un théâtre de conflits généralisés et en un sanctuaire du djihadisme », a-t-il insisté dans sa publication.
Pour finir, Boni Yayi affirme demeurer persuadé que le moment est venu de faire nôtres les principes fondamentaux de la charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance afin d’aboutir à la surveillance multilatérale de la gouvernance des affaires des États membres de notre communauté.
« Ainsi, sur la base de nos protocoles, adopter des mécanismes de convergence constitutionnelle, harmoniser et consensualiser nos lois dont le non-respect constitue certainement l’un des facteurs de la recrudescence des remises en cause de l’ordre constitutionnel et de la flambée des Coups d’État militaires dans nos pays », a-t-il fait savoir.