Discours sur l’état de la Nation : ambitions et zones d’ombres dans la vision de Patrice Talon
Ce vendredi 20 décembre 2024, Patrice Talon s’est adressé aux élus du peuple pour délivrer son discours annuel sur l’état de la Nation. Dans un exercice rodé, le président a dressé un tableau des progrès réalisés sous son mandat tout en reconnaissant les défis auxquels le Bénin reste confronté. Mais derrière les chiffres et les constats, une analyse critique s’impose sur les orientations, les omissions et les contradictions de cette intervention.
Patrice Talon lors de la Célébration du 61ème anniversaire de l’indépendance du Bénin – Honneurs militaires et civilités du Président de la République aux Présidents des Institutions de la République et membres du gouvernement PH: Présidence Bénin
Entre une rhétorique d’autosatisfaction et des aveux de lacunes, le Président a tracé un tableau qui se veut réaliste, tout en nourrissant l’espoir d’un avenir meilleur pour les Béninois. Dès les premières lignes, Patrice Talon a adopté un ton solennel et inclusif, saluant la démocratie béninoise comme un « temple de la contradiction politique, constructive ». Ce prélude, qui semble calibré pour apaiser les tensions politiques, prépare le terrain à une litanie de progrès revendiqués dans divers secteurs.
L’école béninoise a oublié les années scolaires irrégulières émaillées de grèves sauvages. Le microcrédit s’est définitivement débarrassé de l’allégeance politique et du rançonnement, et le nombre de bénéficiaires ne cesse de croître. Le secteur judiciaire s’améliore de plus en plus, même si l’effectif de magistrats nécessaires reste largement insatisfait, faute de postulants qualifiés. Mais l’État met les bouchées doubles pour combler le déficit et assurer la formation.
Le chef de l’État a notamment mis en exergue les progrès dans l’accès à l’eau potable, indiquant que le taux de couverture a atteint 80 % en fin d’année, contre 42 % en 2016. « L’eau potable n’arrête pas de gagner de plus en plus de localités », a-t-il affirmé, tout en reconnaissant les retards causés par des échecs de forages dans certaines régions. Si cette avancée est louable, elle mérite d’être mise en perspective : les chiffres flatteurs sur la couverture ne suffisent pas à refléter les disparités régionales profondes ni à pallier les défaillances récurrentes dans l’entretien des infrastructures, lesquelles compromettent durablement l’accès effectif à ce service essentiel. Ces avancées masquent par ailleurs un défi de taille : comment maintenir ces infrastructures sur le long terme et garantir un accès équitable aux ressources pour les communautés marginalisées ?
La lutte contre le terrorisme : une lecture simpliste d’un problème complexe
Le président a abordé la sécurité comme une priorité nationale, notamment dans le nord du pays. Il a reconnu que « nos forces de défense et de sécurité continuent d’être éprouvées par des terroristes en totale liberté dans des pays voisins ». Toutefois, l’assurance affichée quant à la capacité des investissements en cours à contenir ces menaces suscite des interrogations légitimes. En effet, le terrorisme, par sa nature intrinsèquement transnationale, dépasse largement la seule question des ressources matérielles. Il implique une compréhension approfondie des dynamiques locales et internationales ainsi qu’un engagement ferme dans une coopération régionale renforcée.
Le seul domaine dans lequel Nous sommes toujours à la peine, reste celui de la lutte contre le terrorisme sur la frontière nord du territoire. Malgré nos efforts qui nous permettent de contenir le mal, voire de le faire reculer, nos forces de défense et de sécurité positionnées sur nos lignes de frontière nord continuent d’être éprouvées par des terroristes. en totale liberté dans des pays voisins. Cependant, je peux vous affirmer que les investissements qui sont en cours, tant en matériel, en infrastructure qu’en ressources humaines, nous permettront, sous peu, de tenir les terroristes loin de notre territoire.
Cette dernière, à peine évoquée dans le discours, devrait pourtant être au cœur de toute stratégie visant des résultats durables et une résilience accrue face à cette menace. La complexité de la situation exige également une implication accrue de la société civile et des initiatives locales pour prévenir l’extrémisme violent, autant de pistes sur les quelles le président était attendu.