Contournement nord de Cotonou : d’un chantier prioritaire à un projet en hibernation
Annoncé comme l’un des symboles de la « rupture » incarnée par Patrice Talon, le projet de contournement nord de Cotonou illustre à lui seul la complexité des grandes ambitions infrastructurelles au Bénin. Entre annonces politiques volontaristes, modifications de tracé, lenteurs techniques et incertitudes financières, ce chantier attendu n’a, à ce jour, toujours pas vu le moindre mètre d’asphalte posé.
Visite de chantiers par le MIT-4
Pensé comme une réponse aux problèmes chroniques de congestion dans la ville de Cotonou, le contournement nord devait permettre, dès le premier quinquennat de Patrice Talon, de fluidifier le trafic, notamment des poids lourds, en reliant les axes économiques majeurs du port de Cotonou à la nationale interurbaine. Sur le papier, l’idée est géniale et stratégique. Annoncée à grand renfort médiatique, sa réalisation devrait permettre de désenclaver la capitale économique, accélérer les échanges régionaux, soutenir la compétitivité logistique du pays et réduire la pression sur les infrastructures routières urbaines.
Dans les documents du Plan d’Actions du Gouvernement (PAG 2016–2021), le projet apparaît sous la forme d’une autoroute de près de 40 km, assortie d’un barreau de liaison de 5,7 km vers le port, pour un coût estimé à 487 milliards de FCFA. Trois grands groupes sont alors préqualifiés dès février 2018 à savoir Bouygues/Colas, Vinci Highways et China State Construction. Le choix d’un Partenariat Public-Privé (PPP) devait permettre un financement hors budget national, tout en s’appuyant sur l’expertise d’acteurs internationaux.
Mais malgré un calendrier présenté comme ambitieux, la réalité a très vite rattrapé la promesse politique. Entre 2018 et 2022, aucune avancée concrète sur le terrain. Les études techniques sont relancées à plusieurs reprises, le modèle de financement reste flou, et le projet se retrouve éclipsé par d’autres priorités du PAG. La modification du tracé initial — censé traverser la lagune de l’Est vers Kpota — constitue un premier frein. Pour éviter un impact social jugé trop lourd (expropriations, déplacement de populations), le gouvernement opte pour un nouveau tracé longeant la berge ouest de la lagune.
C’est finalement en mars 2024, en Conseil des ministres, que le projet est officiellement relancé. Le tracé est rallongé jusqu’à Akassato (au nord d’Abomey-Calavi) et redirigé à l’ouest du centre urbain. Le ministre du Cadre de vie, Didier Tonato, évoque alors une volonté d’intégrer davantage les pôles économiques périphériques et de réduire les tensions foncières.
Lenteur stratégique ou recul politique ?
Cette réorientation ne semble pas être seulement technique. Elle marque aussi un infléchissement de la méthode. Là où l’urgence politique avait justifié un lancement rapide, l’administration Talon semble avoir opté pour une approche plus prudente, quitte à retarder l’exécution. Plusieurs explications coexistent :
- La complexité foncière du tracé initial aurait imposé des indemnisations coûteuses et potentiellement conflictuelles.
- L’optimisation budgétaire, dans un contexte post-Covid et d’inflation mondiale, aurait amené les autorités à revoir le montage financier.
- L’absence de bouclage financier clair avec les partenaires initiaux ou nouveaux (notamment le Qatar, mentionné en 2024 comme potentiel investisseur), rend l’engagement prématuré difficile.
En creux, certains observateurs dénoncent une gestion trop centralisée du projet, où les arbitrages sont suspendus à la validation du chef de l’État, réduisant la capacité des ministères techniques à avancer de manière autonome.