« L’Europe ou la mort »: des migrants d’Afrique de l’Ouest décidés à quitter la Tunisie
Aminata Traouré a perdu son bébé, sa soeur et sa nièce dans un naufrage. Mais cette Ivoirienne qui travaillait en Tunisie veut malgré tout tenter à nouveau la traversée clandestine vers l’Europe, seule perspective d’avenir d’après elle.
Image d’illustration
La hausse des départs de Tunisie a atteint en 2020 un pic inédit depuis 2011, et se poursuit. Et la majorité des candidats à l’exil ne sont plus des Tunisiens.
Les étrangers, essentiellement des ressortissants d’Afrique subsaharienne, constituent 53% des migrants arrivés de Tunisie en Italie au premier trimestre 2021, selon l’ONG Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES).
En deux mois, une série de naufrages au large de Sfax (centre-est de la Tunisie), principal point de départ selon l’ONU, ont fait une centaine de morts, des Ivoiriens, des Guinéens ou des Burkinabés.
Lorsque l’embarcation d’Aminata Traouré et une autre ont chaviré le 9 mars, elle s’est retrouvée à l’eau avec environ 200 migrants: 39 morts y compris sa fille de 15 mois.
« Quitter la Tunisie pourrait atténuer ma douleur », confie à l’AFP cette femme âgée de 28 ans, le regard perdu.
Elle aimerait rentrer en Côte d’Ivoire mais le prix du billet et de la pénalité à payer pour être restée trois ans illégalement en Tunisie, est plus élevé qu’une traversée clandestine. « Je serai obligée de retenter le coup. »
« Kahlouch ! »
« Malgré les naufrages, nous restons prêts à risquer notre vie », abonde à ses côtés Prista Koné, une Ivoirienne de 28 ans dont l’embarcation a été interceptée en 2020.
Quand cette jeune diplômée en gestion commerciale et ressources humaines, est arrivée en Tunisie en 2014, elle comptait continuer ses études, objectif abandonné faute de moyens.
Prista Koné y a alors travaillé comme femme de ménage et découvert « l’ampleur du racisme ». « Ma patronne me demandait de ne pas toucher ses enfants parce que je suis noire! Dans la rue, des gens m’appelaient +Kahlouch+ (‘noiraude’, NDLR) ou singe, et me jetaient des pierres. »