Les graves erreurs de communication de Tidjame Thiam, Président du PDCI-RDA

Le président du PDCI, Tidjane Thiam

Le président du PDCI, Tidjane Thiam
L’analyse que nous tenterons de poser ici n’est que technique. La précision est importante parce que chez nous, c’est trop vite arrivé que des esprits paresseux et obséquieux traitent d’hérésie, de crime de lèse-majesté le fait que vous donniez votre avis sur quelqu’un dont ils estiment le parcours trop brillant. Je veux les mettre complètement à l’aise, ici nous donnons un avis technique, donc sans parti pris.
Ceci dit, revenons à ce que je considère comme un désastre en matière de communication politique. C’est du même ordre, sinon pire que la mémorable sortie médiatique du Président Boni Yayi le 31 août 2012 où on a entendu les : «ils sont petits», «je vais bondir», «je vais amener les miens du Bénin profond et ils vont s’affronter», «si je ne peux pas leur trouver du travail, au moins je vais leur donner des ballons pour qu’il me collent la paix». Au moins, Boni Yayi lui était déjà dans la fonction. Ça ne rend pas moins grave le propos mais je veux dire qu’il avait déjà au moins réussi à se faire élire, une seconde fois. Mr Thiam lui est loin d’accomplir cette ambition et cette sortie l’en éloigne davantage.
Mr Thiam qui jusque-là renvoyait l’image de quelqu’un de très intelligent et lisse, a voulu montrer de lui son côté bagarreur. Sauf qu’il se flingue tout seul. C’est ce qu’on appelle un suicide politique dans les règles. Quatre erreurs graves se dégagent de cette interview. Mais avant de les aborder, je me pose des questions sur le rôle qu’ont joué ses conseillers en image dans cette affaire. Parce qu’un monsieur qui a fréquenté les plus grandes fortunes et les plus grands dirigeants de ce monde, quand il décide d’entrer en politique, le minimum qu’on peut attendre de lui, c’est qu’il s’entoure d’hommes et de femmes de grande compétence pour lui coudre le costume d’un présidentiable. A moins que ce ne soit un coup politique tenté dans un moment de désespoir qui a mal tourné.
La première erreur dans cette parole politique, c’est de dire aux ivoiriens qu’il ne connaissait pas l’existence de l’article 48 de la constitution ivoirienne qui l’élimine de la course de la présidentielle et que personne au PDCI-RDA, le vieux parti de Côte d’Ivoire, le parti de son grand père, Félix Houphouet sous qui cette constitution a été adoptée, n’en savait rien. En faisant de telles déclarations, il s’attaque lui-même à l’image du gars brillant qu’il a vendu jusque-là, en même temps qu’il légitime la décision de la justice ivoirienne de le retirer de la liste électorale. Sa disqualification n’est alors plus perçue comme une machination politique mais comme une ignorance des textes de la République. J’aurais préféré qu’il gardât la ligne de défense de son jeune avocat, Rodrigues Adjé qui a plutôt soutenu qu’en aucun cas Tidjame Thiam ne pouvait perdre sa nationalité ivoirienne puisqu’il n’a pas acquis la nationalité française plus tard, qu’il est plutôt né français de part son père.
La deuxième grave erreur de Mr Thiam lors de cette sortie médiatique, c’est de laisser dans l’opinion publique ivoirienne qu’il est un couard, un fuyard. Un général qui craint d’être arrêté et se cache dans les salons tapissés de Paris pendant que ses troupes se font malmener dans les rues d’Abidjan. Vouloir conquérir le pouvoir en Côte d’Ivoire depuis la France est une image qui achève de démolir aux yeux de l’opinion sa carapace d’homme politique capable d’aller au devant de grandes batailles pour porter les aspirations des militants de son parti, du peuple ivoirien. Un peu comme pour dire aux ivoiriens : «je suis trop beau et trop bon pour vous. Si vous voulez vraiment que je devienne votre président, alors battez-vous pour m’en créer les conditions. En attendant, moi je reste loin de tout ça». En politique, la perception est tout. Et celle que renvoie Mr Thiam ne rassure personne. Il craint pour sa liberté là où des gens mettent en jeu leur vie.
La troisième image qu’il a renvoyée de lui lors de cette interview et qui est désastreuse, c’est celle d’un monsieur impulsif qui ne maîtrise pas ses émotions, capable de traiter les gens d’imbécile en public. Or, la première marque d’un vrai dirigeant, ce n’est pas son bagage intellectuel mais plutôt sa capacité à conduire des hommes, à gérer des crises, à être un rempart pour son peuple. C’est là où on sent que le monsieur est désespéré. Il sait que plus rien n’est possible encore pour lui en 2025 et qu’il est face à un mur. Pour la première fois de sa vie, il n’a aucune carte en main.
La dernière erreur, la plus grave, à mon sens, c’est cette révélation qu’il fait sur son échange avec le Président Ouattara en 2022 où il demandait à ce dernier s’il sera à nouveau candidat, que si c’était le cas il lui serait difficile voire impossible d’être candidat, et que celui-ci lui aurait assuré que ce n’est pas dans ses intentions. Quelle catastrophe ! Tenir de tels propos, surtout dans le contexte ivoirien, c’est se tirer une balle dans la tête. Alors que tous tes militants et le peuple ivoirien parlent de mandat anticonstitutionnel, illégitime et souhaitent se débarrasser du Président Ouattara, toi tu viens révéler que tu ne serais pas candidat s’il se représentait. Un peu comme un enfant à qui on a toujours tout donné et qui ne sait pas que pour conquérir le pouvoir, il faut se battre pour ça. Aujourd’hui que le Président Ouattara ouvre la voie pour un 4e mandat, il n’a donc plus de raison de se battre.
Cette interview est la preuve qu’on peut être brillant et faire des choses complètement idiotes. Les communicants politiques ont là sous les yeux un cas d’école des erreurs de communication politique pour des d’exercices d’application. Finissons avec cette citation de Groucho Marx : «La politique, c’est l’art de chercher les problèmes, de les trouver, de les sous-évaluer et ensuite d’appliquer de manière inadéquate les mauvais remèdes».