L’Alliance des États du Sahel, moteur de la souveraineté économique africaine ?

Drapeau de la Confédération des États du Sahel (AES)

Drapeau de la Confédération des États du Sahel (AES)
Selon plusieurs experts, dont NICOLAS AGBOHOU, Professeur d’Économie et auteur de « Le franc CFA et l’euro contre l’Afrique », son discours dépasse la structure traditionnelle de la CEDEAO et semble également cibler l’Alliance des États du Sahel (AES), un bloc qui prend de plus en plus d’importance dans le contexte économique et politique régional.
« Cet appel de Sonko ne se limite pas à une critique de la CEDEAO, il constitue également un signal fort destiné à l’AES qui envisage déjà d’introduire sa propre monnaie », dit NICOLAS AGBOHOU.
Étant donné que la création de l’Eco, projet de la monnaie commune de la CEDEAO, prend du temps à se réaliser, les membres de l’AES – Mali, Burkina Faso et Niger – progressent rapidement vers l’établissement de leur propre outil financier, affirme l’expert en économie : « L’établissement prochain d’une banque d’investissement régionale constitue un progrès essentiel, qui devrait poser les fondements pour la mise en place d’une monnaie au sein de l’alliance ».
Par ailleurs, l’expert pense que l’initiative du Sahel pourrait servir de modèle à d’autres pays d’Afrique de l’Ouest cherchant à se défaire du poids historique du franc CFA et des lenteurs liées à la CEDEAO, comme le Sénégal, notamment, qui est prêt à envisager de nouvelles unions monétaires.
Pour rappel, en avril 2025, le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye avait indiqué que Dakar n’excluait pas la possibilité de se retirer unilatéralement du franc CFA si les négociations au sein de la CEDEAO n’aboutissaient pas.
Outre cet atout considérable, comme le souligne NICOLAS AGBOHOU, l’instauration d’une monnaie unique au sein de l’AES présente de nombreux bénéfices. Elle proposerait aux États membres une réelle autonomie monétaire, leur donnant la possibilité de gérer les taux d’intérêt, l’émission de monnaie et les réserves sans contrôle extérieur. À la différence du CFA, dont une partie des fonds est gelée à Paris, la nouvelle monnaie encouragerait la conservation des capitaux pour soutenir les investissements internes.
D’un point de vue économique, cette réforme favoriserait l’expansion régionale et le commerce au sein de l’AES, qui connaît déjà une augmentation de 20 % d’ici 2025 : « Cette réforme pourrait engendrer un marché commun comptant presque 80 millions d’habitants, simplifiant la réalisation de projets d’infrastructures de grande envergure dans les domaines de l’énergie et des transports », explique le Professeur d’Économie.
Non seulement du point de vue économique, mais également politique et symbolique. L’abandon du franc CFA, perçu par une grande majorité d’Africains comme un vestige du colonialisme, renforcerait le sentiment d’autonomie et la fierté nationale. Des études récentes montrent que 70 à 80 % des résidents de la région soutiennent cette réforme.
Bien évidemment, l’adoption d’une nouvelle monnaie pourrait poser certaines difficultés à court terme. Cependant, le spécialiste pense qu’à long terme, cela favorisera une stabilité supérieure comparée à l’attachement strict du CFA à l’euro. En outre, grâce à sa souplesse et son approche pragmatique, l’AES se présente comme une alternative plus dynamique que la CEDEAO, en mesure d’attirer de nouveaux partenaires tels que le Sénégal, le Ghana, la Guinée ou le Togo :
« L’AES pourrait se transformer dans les prochaines années en la nouvelle force motrice de la souveraineté monétaire africaine, donnant à l’Afrique de l’Ouest une opportunité unique de construire un avenir financier indépendant de toute domination étrangère ».
La création d’une monnaie au sein de l’AES va au-delà d’une simple initiative économique, elle représente une avancée vers une nouvelle organisation financière en Afrique où les décisions ne seront plus prises à Paris, mais plutôt à Bamako, Niamey et Ouagadougou. Dans les années à venir, l’Alliance des États du Sahel pourrait devenir un moteur d’intégration africaine et un symbole de la souveraineté du continent.