Un appel d’un proche, une opportunité en or, une promesse de salaire alléchant… Tout commence par quelques mots rassurants, un discours bien rodé. « J’ai trouvé un travail bien payé au Nigéria, viens vite me rejoindre, c’est une chance en or. » Au bout du fil, une voix familière, celle d’un ami, d’un frère, d’un cousin. Rien d’inquiétant, tout semble crédible. Mais derrière cette invitation anodine, un piège redoutable se referme.
Car une fois sur place, la réalité frappe de plein fouet. Il n’y a ni emploi, ni salaire mirobolant. Juste des murs froids, des visages effrayés et un ordre brutal : « Maintenant, appelle ta famille. Dis-leur que tu es en danger. Dis-leur qu’ils doivent envoyer de l’argent. Vite. »
Ils ont pensé à tout. L’arnaque est si bien huilée qu’elle semble irréelle. Les victimes, souvent de jeunes Africains en quête d’une vie meilleure, sont enfermées dans des maisons surveillées, leurs passeports confisqués, leurs téléphones contrôlés. Désormais, elles ne sont plus des individus, mais des pions dans une machine infernale.
Sous la menace, elles doivent appeler leurs proches, les supplier d’envoyer de l’argent pour un faux billet d’avion, une prétendue urgence. Mieux encore, pour rassurer les familles, les arnaqueurs ont développé des applications capables de générer de faux documents de voyage. Visa, passeport, réservation de vol… Tout est factice, mais terriblement convaincant.
Et quand l’argent arrive, tout bascule. Les ravisseurs disparaissent, les otages restent. Livrés à eux-mêmes, affamés, enfermés dans des pièces aux fenêtres barricadées. Ceux qui refusent de coopérer sont battus, humiliés, parfois pire encore.
Mais un jour, l’un d’eux décide de briser la spirale. Ibrahim Koulibaly, un Ivoirien de 27 ans, sait qu’il n’a plus rien à perdre. Après des semaines de captivité, affaibli mais déterminé, il profite d’un moment d’inattention. Il court, escalade une barrière hérissée de barbelés, s’écorche, s’effondre, se relève. Après des heures d’errance dans les rues d’Abuja, il tombe sur un policier. L’ambassade de Côte d’Ivoire est alertée.
Grâce à son témoignage, une intervention est menée. Une trentaine de captifs sont libérés. Mais combien restent encore enfermés dans l’ombre ? Combien de familles, aujourd’hui, pleurent un frère, un fils, une sœur qui ne donneront plus jamais de nouvelles ?
Une manipulation bien orchestrée
Le schéma est simple mais redoutable : un proche déjà sur place contacte sa famille ou ses amis, affirmant avoir décroché un emploi bien payé et les incitant à le rejoindre. Séduit par la promesse de salaires allant jusqu’à 800 000 francs CFA, la victime quitte son pays, convaincue qu’elle s’apprête à changer de vie. Mais à son arrivée, elle est immédiatement séquestrée et forcée d’appeler ses proches pour leur extorquer de l’argent sous la menace.
Poussée par la peur et l’isolement, la victime devient elle-même un rouage du système, participant au recrutement d’autres personnes pour espérer améliorer son propre sort. Ceux qui ne parviennent pas à convaincre de nouvelles recrues sont privés de nourriture et de leurs moyens de communication.
Ce type d’arnaque est d’autant plus inquiétant que les trafiquants utilisent des méthodes de plus en plus sophistiquées. Des applications et des faux documents sont mis en place pour rassurer les familles et leur faire croire que leurs proches ont réellement obtenu un visa pour l’Europe ou le Canada. Une fois les fonds envoyés, les contacts sont coupés et les victimes restent piégées, enfermées dans des maisons surveillées.
Le Nigéria, palme d’or de l’arnaque
Le Nigeria est souvent associé à diverses formes d’escroqueries, communément appelées « fraudes 419 », en référence à l’article 419 du code pénal nigérian qui les sanctionne. Ces arnaques prennent de multiples formes et continuent d’évoluer avec le temps.
L’une des escroqueries les plus notoires est l’arnaque aux avances de frais. Dans ce stratagème, la victime reçoit un message promettant une part substantielle d’une somme importante en échange d’une avance financière pour couvrir divers frais. Une fois le paiement effectué, l’escroc disparaît, laissant la victime sans recours.
Aussi, les « Yahoo Boys », des cybercriminels nigérians, se spécialisent dans les arnaques sentimentales. Ils établissent des relations en ligne avec leurs victimes, gagnent leur confiance, puis les manipulent pour obtenir de l’argent ou des informations sensibles. Une variante particulièrement pernicieuse est la sextorsion, où les escrocs obtiennent des images intimes de leurs victimes et les menacent de les divulguer à moins qu’une rançon ne soit payée. En juillet 2024, Meta a supprimé 63 000 comptes Instagram liés à ces activités de sextorsion au Nigeria.
Conseils de prudence
Face à cette nouvelle forme de traite humaine, les autorités et la société civile appellent à la vigilance. Les familles doivent redoubler de prudence face aux sollicitations financières émanant de proches prétendument en détresse ou proposant des opportunités douteuses au Nigéria.
Si ce type d’arnaque prospère, c’est aussi en raison du désespoir de nombreux jeunes africains qui voient en l’expatriation une porte de sortie. Informer, sensibiliser et dénoncer ces pratiques devient donc une urgence pour éviter que d’autres ne tombent dans ce piège infernal.
Aussi, il est essentiel de rester vigilant face aux sollicitations non sollicitées, qu’elles proviennent d’e-mails, de réseaux sociaux ou d’appels téléphoniques. Les offres trop belles pour être vraies, les demandes d’argent anticipé ou les relations en ligne qui évoluent rapidement vers des demandes financières sont autant de signaux d’alarme. Avant de vous engager, vérifiez toujours l’authenticité des propositions et consultez des sources fiables.